Le lauréat du prestigieux prix Django-Reinhardt 2016 présente en tournée son double album.
Né le 22 juillet 1984 à Orthez (Pyrénées-Atlantiques), Paul Lay – prononcer comme l’ail, que l’on aime en Béarn – est le plus brillant des pianistes de sa génération. Grand collectionneur de prix internationaux, comme avant lui Bojan Z ou Baptiste Trotignon, physique de cinéma pour remake de Rocco et ses frères, modestie souriante, Paul Lay fait événement d’une étrange façon : sans rien céder sur les principes, il est tout sauf « clivant ».
Mercredi 15 mars, présentation de son double album au Café de la Danse à Paris, bourré comme un chausson, d’un public aussi jeune qu’enthousiaste. Autant de musiciens, et gens du métier, que de néophytes. Ce 19 mars, de retour de Marciac, il clôture le festival d’Orthez. Il revient d’Helsinki et de Tokyo.
Jeu profond et sensible
Son coffret de deux CD (Laborie Jazz/Socadisc) tombe à pic : le premier, The Party, en trio classique (piano, rythmique), avec Clémens Van der Feen (basse) et Dré Pallemaerts (batterie). Assurance, fraîcheur, brio sans brillant, les thèmes traités jusqu’au bout. Une fête. Jeu profond, sensible, pas seulement la virtuosité dont il est capable, compositeur raconteur d’histoires, rythmicien de choix, Paul Lay est très demandé : il tient le clavier de Géraldine Laurent, Riccardo Del Fra ou Eric Le Lann.
Remarqué par Martial Solal et autres sages (le jazz est une passe), il vient de recevoir le prestigieux prix Django-Reinhardt 2016. Tout cela remonte aux leçons de l’excellente Paulette Lamothe à Mont-de-Marsan (il a alors 4 ans), formidable pédagogue, geek avant l’heure, créatrice de logiciels d’étude.
Alcazar Memories, le second, est une commande du Théâtre de la Criée, à Marseille, aux résonances populaires, avec Simon Tailleu (contrebasse) et Isabel Sörling (voix). Fluidité du phrasé, plein champ à la contrebasse sans batterie, voix délicate, le résultat est aérien, subtil, troublant. Fan d’Elton John et de Cecil Taylor (les initiés apprécieront : c’est un peu comme aimer ensemble Pennac et Guyotat), Paul Lay n’hésite pas à exhumer d’anciennes mélodies méridionales (Adieu, Venise provençale, de Vincent Scotto) ou à glisser des poèmes suédois écrits et chantés par Isabel Sörling.
A bonne école
Le coffret est remarquablement produit. Une résidence à Lyon a permis au trio d’arriver fin prêt en studio, où l’attendaient Boris Darley, le Lionel Messi de la prise de son, et un piano Fazioli qui se mérite. D’où cette impression de fraîcheur, de diversité, de naturel du jeu, d’une douzaine de pièces raffinées ou vibrantes. Le plus surprenant, c’est que la performance en scène affiche une telle décontraction engagée.
La couverture de The Party – photo de Jean-Baptiste Millot – présente une bien jolie jeunesse autour du très glamour pianiste. Une jeune femme se prépare à poser sur la platine un 45-tours de Thelonious Monk. En effet, certains d’entre nous apportaient des 45-tours de Monk en « surprise-partie ». Monk soignait ses pochettes. En toutes choses, Paul Lay, qui a mieux que pris son envol, se met à bonne école.
Le 23 mars au Studio de l’Ermitage à Paris avec Ping Machine, le 30 mars au Théâtre de la Criée à Marseille avec Avishai Cohen… Sur le Web : www.paul-lay.com
Francis Marmande
Le 23 mars 2017 à 10h39