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Sélection albums : Duo Jatekok

LE MONDE | 16.03.2015 à 13h32 • Mis à jour le 16.03.2015 à 14h45

• Duo Jatekok

Danses
Danses polovtsiennes, de Borodine. Rhapsodie espagnole, de Ravel. Valses-Caprices op. 37 et Danses norvégiennes op. 35, de Grieg. Souvenirs op. 28, de Barber
Adelaïde Panaget et Naïri Badal (piano à quatre mains)

Elles sont comme des gamines en goguette sur la pochette de ce premier disque, l’une en courte robe noire en lurex (Adelaïde Panaget), l’autre en pantalon rose shocking (Naïri Badal). Les deux filles du duo Jatekok (« jeu », en hongrois), créé en 2007, ont tout pour elles : rigueur dynamique et verve expressive, clavier prolixe et toucher polyglotte, et plus que tout, une manière d’osmose jubilatoire – deux âmes musiciennes et sororales. Que ce soit la fougue sensuelle de Borodine, les élégants vertiges ibériques de Ravel, la poésie sombre et populaire des légendes de Grieg ou l’humour nostalgique de Barber, leur duo charismatique emporte l’adhésion. Longue vie aux demoiselles Jatekok !

Marie-Aude Roux

1 CD Mirare.

En remplaçant au pied levé un artiste de l’Opus 34, le public a découvert et ovationné un pianiste des plus doués de sa génération, virtuose certes, mais avant tout un poète au timbre cristallin qui sait faire chanter son instrument comme personne. Classe et élégance définissent ce Saint-Petersbourgeois qui possède aussi cette étincelle de folie caractérisant les artistes d’exception ! En ce jeudi 19 juin 2014, Miroslav jouait les deux cahiers d’Etudes Opus 10 et Opus 25 de Chopin en première partie de programme, puis après la pause, la Sonate n°2 en si bémol mineur de son compositeur favori. Trois bis vinrent ponctuer ce récital, L’Etude transcendante n°4 de Liszt « Mazeppa », l’Alborada del Gracioso de Maurice Ravel et le Tic Toc Choc de François Couperin. Aussi, avons-nous souhaité choisir la première partie de ce récital consacré aux Etudes Chopin, pour réaliser un « Live » restituant précisément au disque, l’atmosphère de cette soirée. Aucune retouche, aucun raccord, aucun montage. Certes, à différents moments, l’enregistrement comprend quelques toux, quelques bruits, mais il nous a semblé essentiel de revivre ce que nous avions tous ressenti ce soir-là. Miroslav était inconnu du public du Festival lorsqu’il est arrivé en scène et les timides applaudissements au début du disque l’attestent. Puis, tout va crescendo ; à la fin de l’opus 25, ils sont fortement nourris et après la 12^ème étude de l’opus 10, le public est en liesse ! Miroslav Kultyshev est un artiste rare et DiscAuverS est particulièrement heureux et fier de produire son premier enregistrement français.

Après une année sabbatique fructueuse, riche en découvertes littéraires et musicales, Till Fellner, cet immense artiste, vient enfin de se faire entendre à nouveau à Paris, dans la série remarquable des concerts du dimanche matin au Théâtre des Champs-Élysées.

Commencer par Mozart se justifie musicalement, même s’il y a une prise de risque réelle pour l’interprète avec la fausse facilité de ces pages vraiment trop peu entendues au concert.

L’admirable Rondo n°3, appartenant aux dernières années de la vie du compositeur,  avec sa tonalité en la mineur à la tristesse pudiquement masquée, semble une œuvre de prédilection de l’artiste qui l’a déjà enregistrée et la met souvent à son programme. Suit la Sonate n° 4, datant de 1774, l’une des six premières sonates pour clavier seul (sans violon). Till Fellner sait éviter soigneusement tous les pièges de la surinterprétation, des effets dynamiques qui nuisent si souvent à la linéarité du dessin mélodique et, avec un contrôle absolu de l’égalité du toucher, il sait rendre à l’écriture toute sa clarté, sa transparence.

Quant aux Kreisleriana de Robert Schumann, même si ce titre est emprunté à l’écrivain à E. T. A. Hoffmann, cela n’en fait pas une œuvre où règne le fantastique.

La structure, fort savante, où les courtes pièces impaires et agitées alternent avec les pièces paires lentes, plus mélodiques (et sublimes, comme le deuxième morceau) ne laisse pas de place à ce type de romantisme, hormis la septième pièce. L’œuvre de Hoffmann a été abandonnée désormais par le musicien au profit de celle du poète Heine, « le double de ses trente ans » dit-il en 1840 (le Dichterliebe n’est pas loin).

Le pianiste se révèle un coloriste fabuleux, parant l’œuvre de nuances choisies, d’une variété et d’une subtilité stupéfiantes, calculant leur rapport note à note pour leur donner le maximum d’intensité dans cette quête tendue de l’Au-delà.

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Une superbe articulation

DU GRAND ET BEAU PIANO pour le premier concert de la saison de l'Association lorraine de musique de chambre, hier soir, salle Poirel. Rafal Blechacz a débuté son récital avec là Partita n03 en la mineur de Bach. Avec un très beau sens du phrasé et de l'articulation, il a donné de cette suite de danses une interprétation d'une grande élégance. TI ne s'est pas autorisé de fantaisie, mais pour autant il n'y avait rien de froid ni de compassé dans son jeu.

De la Sonate n° 7 en ré majeur de Beethoven qui suivait, on retiendra le chant poignant du largo et les changements subtils de couleurs dans le rondo final. Le jeune Polonais a don- né une belle leçon à beaucoup d'apprentis pianistes français, voire à de très confirmés, avec sa version de la Suite bergamasque de Claude de Debussy. Usant avec modération de la pédale, il a su donner un tour enjoué au menuet et au passepied et rendre toute l'atmosphère rêveuse du célébrissime Clair de lune.

Il était encore davantage dans son élément avec la Première sonate en do mineur de Karol Szymanowski. De l'allegro initial à la fugue finale, une grandiose construction sonore dans laquelle il n'y avait pas d'étalage de virtuosité, mais seulement la volonté d'en faire ressortir le caractère épique. Ovationné, le jeune artiste a offert en bis une valse lente de Chopin magnifiquement timbrée.

Didier HEMARDINQUER